Avec le confinement, nous nous sommes soudainement mis au télétravail pour beaucoup d’entre nous, préparé ou pas. La première semaine a souvent été très rude, entre gestion de crise, improvisation des conditions de travail à la maison et organisation avec les collègues. Puis la situation a perduré, et chacun s’organise un peu mieux, les décisions hiérarchiques structurent un peu plus le quotidien. Faisons le point sur les mécanismes qui se jouent avec le télétravail en confinement et les points d’attention pour que télétravail rime toujours avec santé au travail.
L’organisation du télétravail en confinement
Le télétravail, en temps normal, doit faire l’objet d’une préparation. En effet, ce mode d’organisation du travail peut fortement impacter différents aspects du travail : relations hiérarchiques, relations avec les collègues, interfaces avec les autres activités, sécurité des données… Une analyse préalable est donc nécessaire afin de déterminer comment il doit être mis en œuvre, pour quelles activités et quels salariés, avec quels moyens etc.
Avec le télétravail en confinement, l’urgence de la décision n’a pas permis une telle préparation. Les outils ne sont peut-être pas adaptés. Les salariés comme les managers n’ont peut-être pas été formés à ce nouveau mode de relation à distance…
Pour les structures où le télétravail existait déjà, cette organisation n’était jamais étendue à un si grand nombre de salariés, y compris aux salariés qui n’étaient pas volontaires.
Et surtout, en confinement total, le télétravail doit être réalisé dans des conditions complètement perturbées, puisque les salariés doivent être chez eux et le rester. Ce qui implique souvent la présence de la famille et également l’impossibilité de sortir de son lieu de vie pour changer d’air, voir des amis, ou se divertir.
Le télétravail en confinement est donc une organisation subie, à tous les niveaux hiérarchiques, peu ou pas préparée. Ce qui implique beaucoup de contraintes et peu de marges de manœuvre. Alors que le télétravail bien préparé est source d’efficacité et de satisfaction personnelle au travail, les conditions spécifiques au confinement peuvent aller à l’encontre des facteurs positifs. Nous évoquons ici quelques mécanismes qui peuvent être source de mal-être et entraver l’efficacité.
Les risques liés au télétravail en confinement
Tout d’abord, il est important de souligner que le télétravail exacerbe les aspects managériaux et relationnels préexistants dans le travail sur site, qu’ils soient positifs ou négatifs. Ainsi, une relation distendue avec un collègue peut devenir inexistante, ce qui peut avoir un impact sur l’efficacité d’une collaboration sur un dossier. Tandis qu’une relation managériale de confiance avec un subordonné permettra un télétravail efficace et accentuera le sentiment d’autonomie et de performance de ce dernier.
Le télétravail en confinement est bien souvent synonyme de porosité entre vie professionnelle et vie personnelle. En effet, la famille se retrouve confinée ensemble, toute la structuration temporelle établie par les horaires des activités de chacun est perturbée, voire annulée. Il peut ainsi être compliqué d’établir des temps séparés pour le travail de concentration, les télé-réunions, les sollicitations familiales, etc. Dans cette situation, on peut se retrouver à ne plus du tout avoir de temps pour soi, se sentir débordé par la situation et envahi par les autres.
Cette situation exceptionnelle peut aussi développer un sentiment excessif de devoir faire plus et mieux, au risque d’entrer dans un mode de travail en sur-engagement. De plus, avec le télétravail en confinement, il devient très facile de tomber dans les travers de l’hyperconnexion, phénomène favorisé par le sur-engagement. L’hyperconnexion s’accompagne souvent de la peur de manquer des informations, de la difficulté de se passer de son smartphone, ou du sentiment de nécessité de répondre immédiatement à toutes les sollicitations professionnelles (ou d’attendre que les autres y répondent immédiatement). Autant l’engagement est bénéfique à l’efficacité au travail, autant le sur-engagement et l’hyperconnexion sont facteur d’épuisement au travail.
A contrario, chez d’autres personnes, l’éloignement de l’équipe, du management peut engendrer une perte de repères, du sentiment d’appartenance voire d’utilité au travail. Sans le regard des autres, sans les interactions directes avec les collègues, la hiérarchie ou les « clients » (internes ou externes), on peut perdre le sentiment de reconnaissance.
Dans les conditions de confinement, le sentiment d’isolement peut s’installer ou s’accentuer chez certaines personnes. Particulièrement si les conditions de travail ou la situation personnelle n’étaient pas satisfaisantes auparavant, ces personnes peuvent se replier sur elles-mêmes. Le télétravail en confinement peut couper des ressources de soutien social, ce qui peut engendrer du le mal-être.
Enfin, plus globalement, la situation sanitaire peut générer de l’anxiété pour sa propre santé ou pour celle de ses proches. L’anxiété vient aussi de l’incertitude quant aux impacts de cette situation inédite sur son propre emploi, sans parler de l’évolution économique générale.
Mais c’est aussi une période où, par la complexité des circonstances et le sentiment d’urgence, nous faisons beaucoup plus appel à nos ressources propres pour innover, nous ouvrir aux nouvelles possibilités de travail et d’organisation. Passés les premiers moments de flottement, nous trouvons nous-mêmes notre mode de régulation individuelle. L’entraide vient aussi souvent spontanément. Puis la régulation s’organise de plus en plus, devient plus collective, orchestrée par le management.
Voyons plus en détail les différents moyens de régulation.
Comment vivre au mieux la situation ?
Première tendance à adopter dans ce contexte : souplesse et ouverture. Souplesse dans l’organisation : en l’absence de préparation adéquate, et avec l’obligation de confinement, les règles habituelles ne peuvent pas toujours être respectées à la lettre. Alors les règles peuvent être adaptées au contexte et réexpliquées. L’ouverture permet de trouver des solutions que l’on n’aurait pas envisagées auparavant. Cette adaptation doit se faire en analysant les limites et les risques acceptables (ex : en termes de sécurité des données, de flexibilité des horaires de travail ou de priorisation des activités). Elle doit également s’accompagner de tolérance par rapport aux besoins de temps familiaux et/ou personnels puisque de fait, le télétravail en confinement se fait dans un milieu partagé.
Maintenir le relationnel et la cohésion d’équipe est un point clé de la réussite du télétravail. Le management a ici un rôle important à jouer, en organisant notamment les rituels de collaboration et d’information à distance. Cette organisation se fera de préférence avec l’équipe ce qui favorise leur adhésion puisqu’elle aura plus de chances d’être adaptée à leurs contraintes (y compris les contraintes familiales). La nouvelle relation à distance doit être bâtie sur une relation de confiance, pour être gagnant-gagnant. En effet, toutes les études montrent que la confiance favorise le sentiment d’autonomie du salarié, est vécue comme une forme de reconnaissance et est facteur de satisfaction au travail. Au final, le salarié est plus efficace dans son travail. L’organisation de ces rituels (formels et informels, de travail et de détente) permet de maintenir le sentiment d’appartenance à un groupe et réduit le sentiment d’isolement. Pour autant, chacun, dans la mesure du possible, peut rester attentif aux signaux de mal-être d’un collègue ou d’un membre de son équipe. Ces signaux passent souvent par un changement d’attitude, de comportement, de discours (ex : une personne ne se connecte plus à la réunion hebdomadaire, ou a un discours dévalorisant). A distance, ces situations sont plus difficiles à détecter, aussi il est important de demander du feed-back et de réagir aux pré-alertes en rétablissant un contact privilégié (ex : par téléphone et non par messagerie) pour aborder la question. Chacun peut ainsi apporter du soutien social, toujours apprécié. Si la situation vous dépasse, vous aurez aidé la personne à en prendre conscience et c’est aux professionnels de la santé de prendre le relai.
Pour maintenir l’équilibre dans le travail, il est important que la charge soit ressentie comme adaptée à la situation. Le management, là aussi, a un rôle central dans cette régulation. L’éloignement avec l’équipe ne permet pas facilement d’appréhender cet équilibre et la « peur du vide » peut faire mettre une pression exagérée à certains, tandis que la situation peut mettre d’autres personnes en sous-charge. La régulation de la charge passe par une analyse de la charge réelle et ressentie, au regard de la charge prescrite, à faire si possible entre le salarié et son manager. Elle nécessitera une priorisation formelle des tâches. En confinement, la charge ressentie peut être totalement différente d’une personne à une autre selon sa situation personnelle. Là aussi, une demande de feed-back régulière permettra de réajuster avant que la situation ne se dégrade. Le message doit en tout cas être clair en évitant de valoriser l’hyperconnexion et éviter les malentendus.
La régulation est aussi individuelle ; pour éviter le sentiment d’être débordé par les sur-sollicitations professionnelles doublées de celles familiales, il est important de se réserver du temps pour soi. Ce temps n’est pas du « temps perdu », et pour « déculpabiliser », dites-vous que ce temps est nécessaire pour préserver ses ressources personnelles et continuer à travailler au mieux dans des conditions dégradées, conditions susceptibles de durer. Ce temps peut être consacré à votre activité préférée, à des exercices physiques, ou simplement… à se reposer. La micro-sieste (15 à 20 minutes) permet notamment une récupération physique et intellectuelle au cours de la journée. Des exercices de respiration (ex : avec la cohérence cardiaque) peuvent aussi vous aider à diminuer le niveau d’anxiété ou à accepter la situation actuelle en la relativisant. Plus simplement, pensez à vous lever de temps en temps de votre poste de travail (comme lorsque vous allez à l’imprimante, au bureau), à faire une pause café (éventuellement avec un collègue ou ami par téléphone ou en visio), à changer de position (vous pouvez passer vos coups de fil en marchant). Tous ces micro-changements physiques sont autant de moments de décompression et de remaniement cognitif propices à la prise de recul (sur votre dossier comme sur votre situation).
Le télétravail en confinement s’est imposé brutalement, de nombreux salariés et managers n’y sont pas préparés, n’ont pas été formés. Aussi ces quelques conseils peuvent être une aide pour construire un mode de fonctionnement commun à une équipe, à un service, afin de maintenir l’activité dans les meilleures conditions, et se préparer à l’après confinement.
Vous pouvez trouver des guides et dossiers relatifs à ce sujet sur le site de l’ANACT. Vous pouvez aussi me contacter pour organiser un atelier, une conférence ou une formation sur le sujet du télétravail.
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